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Stock: 5 / Price: 28.00€

Brutalis

Obscurité / solide et grasse / paysage de poussière et d‘angles / observations / préliminaires / peau et os / membres et pensée / évolutions accélérées de l’espèce / dégénérescences cycliques / brut / sans nettoyage ni ménage…

Un livre sans parole, ou presque, si l’on excepte quelques informations et la quatrième de couverture qui pourrait être, mais ce n’est qu’une hypothèse, comme le mode d’emploi ou la notice explicative. Sur la couverture, le titre s’inscrit discrètement ; le nom des auteurs est à peine lisible. Le noir occupe la majeure partie de l’espace, une silhouette accroupie anime de sa présence énigmatique ce lieu obscur. Tournant la page, le trouble n’est pas moindre. Une suite d’images, peut-être une séquence, sans texte : des yeux d’abords, un paysage ensuite, en panoramique, et puis un corps que dévore sans cesse l’obscurité quand ce n’est pas une soudaine lumière crue qui l’absorbe.

 Tout en ce livre paraît résister au sens, au récit et pourtant une représentation se joue, un spectacle se fomente puisque l’on sait que le livre évoque un spectacle, en est le témoin et peut-être déjà le témoignage.

Malgré la résistance du livre à se livrer, la lecture offre des plaisirs visuels et finalement narratifs. Plaisirs visuels dus à la virtuosité graphique du dessinateur. La peau, le corps, les tissus sont suggérés avec une extrême maîtrise et une tout aussi extrême liberté. Mais virtuosité rime ici avec fragilité.

Dans cet univers infra-narratif, le récit ne pointe que dans la trace du pinceau. L’œil peut à loisir se perdre dans les moirures sombres, dans les plis de la matière, à la surface du corps dessiné. Peut-être est-ce un livre qu’on ne lit pas mais qu’on regarde tout simplement. Peut-être est-ce un livre essentiellement destiné au regard et au regard seul. Un livre pour spectateur et pas pour lecteur. Un livre qui se refuse à être lu ?

Malgré tout, on lit. N’oublions pas que l’un des auteurs de ce livre a écrit et dessiné Gloria Lopez. Que penser de ce livre alors ? Rupture avec le récit, ou, et l’hypothèse est plus risquée, mise en crise de la narration avec d’autres moyens ? A poser la question de cette manière, il se peut que cette opacité qui envahit le lecteur s’éclaircisse quelque peu. Au fond, pourquoi ne pas lire Brutalis comme un Gloria Lopez moins la fiction ? Un Gloria Lopez qui ferait la part la plus belle à la matière et qui éluderait la fiction. Ou encore, la représentation plutôt que la fiction. C’est bien à une nouvelle manière d’envisager la trace, de vivre la matière graphique que le livre nous convie.