La sortie de Darkness est un événement. Ce dernier opus fête, comme l’indique l’intitulé, les 30 ans d’existence du Fanzine. Mais pour les présents lecteurs et collaborateurs, Darkness, qui renaquit de ses cendres en 2010 pour devenir en 2016 la référence censoriale en matière cinématographique, ne fête - déjà - que ses 7 ans. Fanzine par son esprit libertaire et passionné, revue par son contenu docte et instructif, Darkness est dirigé par Christophe Triollet, juriste cinéphile, qui a su s’entourer d'autres cinéphiles de tous horizons. Anniversaire oblige, le numéro débute par des hommages. Didier Lefevre, proustien dans l’âme, retrouve en Darkness une madeleine au goût unique qui se démarque de l’uniformité de la pensée critique du cinéma. Bernard Joubert, spécialiste des médias censurés, voit en Darkness une publication qui aborde les sujets les plus scandaleux (violence, pornographie, onanisme, inceste, nécrophilie...) mais qui intéresse tout le monde, censeurs compris, s’avérant de facto "indis-pensable". Christophe Bier, historien du Cinéma X et Z, reconnaît en Christophe Triollet - son homonyme prénominal - un rassembleur : juristes et historiens, journalistes et censeurs, tous veulent écrire dans Darkness. L’homme a un rêve : un numéro consacré à André Bonnet, le Danton pourfendeur des visas de classification des films en France. Laurent Faiella, alias Le Fanzinophile, souligne la résurrection en 2010 de Darkness qui a su changer de virage et placer la barre très haut et qui est désormais attendu au tournant par ses fidèles et ses détracteurs (les uns n’empêchant pas les autres). Caroline Vié, membre de la Commission de classification, perçoit en C. Triollet un juriste du cinéma qui a sa place de membre en "classif" (son livre, Le contrôle cinématographique en France, Quand le sexe, la violence et la religion font encore débat, fait d’ailleurs partie des 5 livres de chevet du Président de la Commission de classif). Augustin Meunier perçoit un Christ’off aux mains d’argent qui découpe de son esprit acéré les textes et arrêts censoriaux, leur donnant forme compréhensible. Darkness est pour Alan Deprez un fanzine indéboulonnable, pour David Didelot un incontournable du fandom hexagonal et pour Benjamin Campion une revue classe au design accrocheur qui en met plein la vue et l’esprit. Ajoutons John Capone qui dessine les couvertures en conférant de sa patte hérétique à Darkness une image sans pareille. S’ensuit un abondant Best Of d’articles de Darkness antérieurs, notamment Pornographie au Japon par Agnès Giard, Les Videos Nasties par C. Bier, La classification des films, le rapport et les propositions de Jean-François Mary par C. Triollet, Les films X violence, une censure méconnue du cinéma français par Albert Montagne. Cerise festive sur le gâteau censorial, le numéro frappe fort avec un article inédit et d’intérêt majeur (touchant naturellement aux -18 ans) : Maître André Bonnet, Entretien fleuve avec l’avocat de l’association Promouvoir (le sieur Bier doit jubiler) par C. Triollet. Signalons aussi - sans pouvoir tout citer, le numéro étant dense comme toujours - Une année d’interdictions, le bilan de 2015 au cinéma et La censure au cinéma, le blog officiel de Darkness Fanzine par C. Triollet, Putains, puritains et pornographie, quand la censure tue un cinéma à Vegas par Yohann Chanoir et Torture Porn, Jusqu’au bout de l’horreur, une note de lecture de l’ouvrage de Pascal Françaix par C. Triollet. Un excellent cru, pas pour de simples caves comme dirait Michel Audiard.
Albert Montagne